Zague Varoum - A l'Est, rien de nouveau
Une fois de plus, les images que vous verrez dans cet article datent d'il y a 35 ans. Ce ne sont pas elles qui sont intéressantes mais le compte rendu d'une année de vie d'un travailleur du monde "libre" dans un pays de l'Est à une époque révolue.
'You can check out any time you like,
But you can never leave ! '(Eagles - Hotel California)
Nathalie, quel beau prénom n'est ce pas ?
La chanson du même nom écrite par Gilbert Bécaud est moins connue.
A chaque fois que je l'écoute, c'est une foule de souvenirs et de sensations qui me reviennent en mémoire. Ils proviennent de l'époque où, durant presque un an, j'ai travaillé dans les pays de l'Est.
Mais laissez moi vous raconter.
En 1983, après mes études, je cherchais du travail. Je visais particulièrement un emploi, dans l'industrie me permettant de travailler à l'étranger et de préférence sur les chantiers. Je ne souhaitais pas travailler dans un bureau.
Cependant, sans expérience, et bien que le marché soit porteur, ce n'était pas facile.
Les demandes des industriels étaient principalement, à l'époque, vers les pays du golfe et les pays de l'Est qui étaient encore dans le bloc soviétique.
Finalement, au mois de février 83, au bout de 2 mois de recherche, je fus engagé par la société Jeumont Schneider. Après quelques mois de formation, mon objectif était d'être opérationnel pour faire la mise en service d'équipements métallurgiques en Allemagne de l'Est (DDR).
Le salaire était plus que confortable à l'époque.
Après m'être formé en France à Champagne sur Seine puis à Bagnoles sur Cèze, je fus envoyé à Eisenhuttenstadt à la frontière polonaise. Derrière ce nom poétique, se cache une ville construite autour d'un complexe sidérurgique.
Comme je souhaitais avoir mon autonomie, je me procurais une voiture pour me rendre sur le site.
J'achetais une 404 Peugeot au Père B., poivrot notoire et beau-père d'un de mes amis. C'était un modèle 1961 et j'en faisais l'acquisition pour 1000 FF. Ce n'était pas ruineux. Elle n'était pas en parfait état, mais avait l'avantage d'être réparable facilement.
Début Novembre, je pris la route. Le premier jour, je m'arrêtai dormir en Belgique et j'arrivai le second jour à l'usine après avoir passé la frontière sans encombre à Marienborn.
Nous étions logé dans un camp à proximité de l'usine. Les baraquements étaient en bois mais finalement, ce n'était pas plus désagréable que les logements en container que je connus par la suite. Il n'était pas possible d'y faire entrer une personne extérieure à la société.
Le jour suivant mon arrivée, je commençais le travail.
Le maître d'œuvre était Autrichien et s'appelait Voest Alpine, vite baptisée Voest Alpine de cheval par mes collègues qui avaient un grand sens de l'humour.
La société qui faisait le montage électrique était Forclum, Jeumont Schneider vendait les équipements électriques et leur mise en service.
Forclum étant français, leurs dirigeants avaient été obligés de sous-traiter le travail à une société de montage Yougoslave du nom de Gosha. Les Allemands de l'Est, eux regardaient l'usine se mettre en place. L'installation devaient être automatisée mais comme la DDR était un pays communiste, les licenciements étaient impossibles et le nombre d'opérateurs était le même avant et après la mise en place du matériel automatisé. Dans les anciens pays communistes, il n'y avait pas de chômeur. Celui qui refusait de travailler avait des problèmes avec la justice. C'était un peu comme le merveilleux revenu universel, tant admiré par certains de nos hommes politiques; sauf que chez les communistes, l'allocataire devait travailler pour le gagner. Condition absolument honteuse et totalement en contradiction avec les Droits de l'Homme et avec l'état providence si cher à Manu, notre président actuel.
A l'époque, le personnel sur les chantiers était jeune, entre 25 et 30 ans. Seuls, deux types avaient un peu plus de 40 ans : Un Italien et un Français. L'Italien s'appelait Diégo mais on le surnommait "Don Diegue" ou "Le Karl Marx de la quéquette", rapport à ses nombreuses conquêtes féminines. Comme c'était un vieux briscard et qu'il connaissait les combines, il avait ses entrées dans tous les restaurants, Tanzbar et autres Night club. Son astuce était de donner de bons pourboires au personnel qui laissait entrer les clients.
Pour nous, les jeunes qui n'avions pas compris cet astucieux système, c'était souvent "Ausverkauft" - Complet.
Au début, je sortais le soir avec un collègue qu'on appelait "Ouin-Ouin" à cause de son bec de lièvre. C'était un grand gaillard originaire de l'Est de la France qui parlait parfaitement l'Allemand. C'était pratique pour moi en ce qui concernait les contacts avec la population noctambule locale car je balbutiais quelques mots d'Allemand scolaire et n'arrivait pas à exprimer tout ce que je désirais. Sur le chantier, nous parlions soit le français, soit l'anglais mais dans la vie civile, l'allemand était de rigueur si on ne voulait pas passer ses temps libres dans les baraquements du camps.
Comme nous étions tous jeunes, il y avait toujours un collègue pour faire une bringue ou partir en goguette. Il y avait Maurice dit Le Momo. Un pied noir du nom de Belijar qu'on appelait "Jolibar" et qui avait été propriétaire d'une plantation d'artichauds en Algérie, Jafrenou dit "Chancre mou", le breton Kéruzoré qu'on appelait "Robinson (Kérusoré)", Millote dit "Bugs (Bunny)" à cause de ses dents... et bien d'autres encore.
Chez les monteurs, il y avait un Martiniquais qu'on appelait "Grand Zaï zaï" bien qu'il n'ait rien à voir avec un Sénégalais. Il y avait aussi les Muller père et fils. Le fils qu'on appelait TGV (Travailleur Grand Vitesse) était un fainéant fini et dormait souvent à l'abri des regards dans un chemin de câbles. Le père n'était pas très net. La légende disait que pendant la guerre de 39-45 il aurait été dans la Krieg marine et que son bateau se serait fait couler par les alliés, le laissant avec une case en moins.
Sans oublier le seul Polonais communiste naturalisé français qui s'appelait Ormaz et dont la citation préférée était :
"P..., t'es con, ça saute aux yeux comme une biroute au cul"

La bande au grand complet.
Les 2 en costard, c'est le chef des services techniques et son adjoint. Ils étaient juste là pour la photo.
Comme on était jeune et plein de tempérament, on se trouvait vite une "Freundin" pour ne plus dormir seul au camp comme un benêt.
Beaucoup étaient des jeunes femmes divorcées et souvent avec un enfant. Dans ce pays, les femmes n'étaient pas très sérieuses (au grand bonheur des célibataires) et les hommes buvaient beaucoup, les femmes un peu moins.
On avait quand même du mal à rivaliser. C'est vrai que l'on était à la frontière polonaise. A l'époque, l'injonction thérapeutique n'existait pas.
De plus, il était plus facile d'avoir un logement lorsque l'on était marié. Ce qui explique le nombre de mariages puis de divorces. Elles travaillaient toutes car à l'époque, comme expliqué ci avant, le chômage n'existait pas en DDR. J'en ai même rencontré qui étaient "Trayeuse de vache"… Profession attirant facilement des quolibets plus ou moins scabreux.
La mienne habitait dans un vieil immeuble à Frankfurt sur l'Oder. Ce qui m'avait marqué à l'époque, c'était le nombre d'impacts de balles et d'éclats d'obus qui constellaient les murs. Presque tous les vieux immeubles étaient ainsi marqués. Souvenir du passage des divisions Russes commandées par Joukov en 1945.
Le soir, avec les copains, on allait manger et danser avec les filles et le week end, on se promenait en voiture dans les environs.
Quelques informations sur Eisenhuttenstadt :
En 1961, le regroupement des villes nouvelles de Fürstenberg sur Oder, Staline Ville et Schönfließ formèrent Eisenhüttenstadt.
La ville est un centre sidérurgique important, qui a connu son apogée à l'époque de la RDA, avec ses immenses aciéries créées dans les années 1950, du Eisenhüttenkombinats Ost (EKO) qui fait aujourd'hui partie du groupe ArcelorMittal. La démographie de la ville décline régulièrement depuis la réunification.
Une cité modeste, dont s'inspirerait le nom de la ville, a d'abord existé au Moyen Âge, mais c'est le canal Oder-Spree qui a été à l'origine de l'expansion industrielle de la ville.
Pendant la Seconde Guerre mondiale, le Stalag III-B (camp de prisonniers) était installé à Fürstenberg sur Oder, puis une base soviétique y fut installée. (Wikipédia)
Hotel Lunik qui faisait aussi restaurant et night club. Cette photo a été récupérée sur le Web. Le batiment était en meilleur état à mon époque
Comme vous pouvez le voir sur les photos, Eisenhuttenstadt n'était pas forcément folichon et comme j'avais un véhicule, on préférait sortir à Frankfurt sur l'Oder.
A l'époque, les pays de l'Est n'étaient pas tristes comme la propagande occidentale le faisait entendre. A Frankfurt, il y avait une foule de restaurants, de dancings, de ratskellers et de night clubs. Il y avait entre autre le Polonia où l'on pouvait manger puis danser sur la piste qui se trouvait au milieu des tables et c'était rare de ne pas trouver une cavalière.
Il y avait même un jardin d'hiver où on pouvait prendre un café ou un thé.
Et puis un week end, avec mon pote "Le Momo" et Philippe B., un autre de mes collègues, nous sommes partis faire un tour à Berlin Est. Philippe parlait parfaitement l'Allemand, avec Le Momo, on se débrouillait.
Nous prîmes 3 chambres à l'hotel "Unter den linden" situé sur le boulevard du même nom. Comme nous changions nos Deutschemarks (ouest) au marché noir à 4 ou 5 fois, notre pouvoir d'achat était énorme. C'était "Don Diegue" qui faisait la banque et échangeait nos Marks. Il n'était pas sicilien pour rien le "Don Diégue"...enfin ce que disait les gens
Durant notre premier séjour à Berlin, nous rencontrâmes 3 jeunes filles de bonne famille avec lesquelles nous visitâmes la ville. On se promenait au Tiergarten, au mémorial soviétique, sur "Unter den Linden". Nous étions aussi monté à la tour de télécommunication.
L'autoroute qui menait à Berlin. Elle datait des grands travaux entrepris par l'Allemagne Nazie des années 30.
A l'époque, le mur de Berlin coupait la ville en deux. Une nuit, m'étant perdu, je me suis approché trop prêt d'un mirador. J'ai pris un grand coup de projecteur dans les yeux. J'ai vite compris et fait demi-tour rapidement.
Le jour, on pouvait se promener autour. Une fois, je suis tombé sur un cimetière situé au pied du mur. Les tombes étaient criblées de balles qui provenaient de l'arrivée des Russes dans Berlin en 45.
Batiments pittoresques. On remarquera sur la photo de droite les rustines blanches qui servent à cacher les éclats d'obus sur les murs
C'est aussi une des 2 seules fois de ma vie où je suis parti à la piscine .
Le midi, on invitait les filles au resto et le soir on allait au thé dansant. On était rangé des affaires.
Il ne faut pas se cacher, qu'en prenant chacun une chambre à l'hôtel, on avait quelques idées en tête. Au bout de 4 ou 5 voyages sur Berlin, la tension devenait palpable. Et puis un jour, elle a du être trop palpable car mon amie me tint ce bref discours :
"Du bist nicht fur mich dass ich bin fur dich"
Ca à l'air rigolo comme ça, ça ressemble à "Zague Waroum" du groupe "Au bonheur des dames", mais ça avait mis un coup d'arrêt à toutes mes prétentions les moins platoniques".
Ca signifie : "Tu n'est pas pour moi ce que je suis pour toi"
Si mes souvenirs sont exacts, Le Momo a du aussi ramasser ce genre de "casquette", seul Philippe semble avoir pu atteindre son objectif après une soirée passée à l'opéra avec sa compagne. Faut dire, qu'avec le Momo, l'opéra ce n'était pas vraiment notre truc. Lui, c'était plutôt la salsa et la rumba vu qu'il avait été VSN au Vénézuela
Mis à part la fin qui est un peu tragique, j'ai un très bon souvenir de cette période car ces filles étaient vraiment très agréables, instruites et de bonne éducation.
Ces 2 photos ont été prise à 2 ou 3 heures d'intervalle. La première a été prise à Berlin Est puis j'ai traversé à Check point Charly et j'ai pris la seconde à Berlin Ouest. C'était en fin de matinée, et en début d'après midi
La semaine, pour sortir ou aller manger le soir, on partait soit vers Frankfurt, soit vers Cottbus. En effet, on évitait les coins trop près de l'usine et en particuliers Eisenhuttenstadt.
C'était le repère des Yougos et des Cubains. Dans les bars, il ne se passait pas une semaine sans qu'il y ait de grosses bagarres entre ces 2 communautés. Il y avait parfois des morts.
Les Français, nous préférions bien manger et passer du bon temps plutôt que de se saouler et de se battre comme des chiffonniers.
C'est là que j'ai compris que les Yougoslaves sont violents et ce qui se passa dans leur pays quelques années plus tard ne m'étonna pas.
Nous, on avait de bon rapport sur le camp avec les Yougos et ils nous invitaient parfois à venir boire un verre et déguster leur charcuterie. Par contre, question boulot, c'étaient vraiment des incompétents.
Il y avait aussi souvent des morts sur le chantier, en particulier des Yougoslaves qui avaient la fâcheuse habitude de tomber du haut de l'usine qui faisait bien une trentaine de mètres de haut.
Pour ce qui est de la vie de tous les jours, on trouvait pratiquement de tout en Allemagne de l'Est. Évidemment, la charcuterie et les denrées alimentaires étaient un peu moins bonnes qu'à l'ouest mais c'était tout à fait correct. Le soir, on mangeait soit à la baraque et on se faisait notre bouffe, soit au restaurant en ville. Le midi, on allait à la cantine de Voest Alpine mais c'était vraiment infecte.
Parfois on amenait les copines au "Sex Shop". C'était le nom que l'on donnait à l'Intershop.
Ca n'avait rien de scabreux, c'était simplement un magasin où l'on pouvait se procurer des produits de l'Ouest mais il fallait payer en Deutschemarks. Les filles étaient contentes car certains produits comme les biscuits ou les confiseries y étaient meilleurs. Elles pouvaient en acheter pour leurs enfants.
Question pinard, c'était du vin des pays de l'Est (Roumanie, Bulgarie,…), il n'était pas mauvais. Il y en avait un qui s'appelait le "Baren Blut" ce qui signifie "Sang de l'ours". Il déchirait pas mal façon "Sidi Brahim" mais se laissait boire.
Finalement, la vie n'était pas désagréable en DDR
Comme quoi, la désinformation en France, marchait à peu prêt aussi bien à cette époque de guerre froide qu'actuellement.
Si on écoutait ce que disait les médias occidentaux, la vie dans les pays de l'Est était infernale. Ce n'était pas tout à fait le cas.
J'ai connu 2 Français qui sont restés de leur plein gré en Allemagne de l'Est.
Le premier était venu travailler pour une société Française. Il avait connu une Allemande et était resté. Il disait que finalement, le boulot n'était pas harassant et même assez reposant, il n'y avait pas de chômage et que la vie n'était pas désagréable.
L'autre était une Française qui s'était mariée avec un Allemand dans les année 50. A l'époque, le mur n'existait pas. Puis lorsque celui-ci a été construit, elle est restée avec son mari. Je l'ai personnellement rencontrée à Eisenhuttenstadt car je lui avait achetée une moto 175 MZ.

La 175 MZ
Un soir d'été lorsque nous mangions au Stadt Frankfurt avec un collègue, nous avons vu arriver 2 Français d'une soixantaine d'années. Cela nous a surpris car il ne semblait pas que ce soit des travailleurs et il n'y avait pas de touristes à l'époque.
Après avoir engagé la conversation, nous apprîmes qu'ils avaient été prisonniers dans le coin durant la seconde guerre mondiale. Aussi bizarre que cela puisse paraître, ils n'avaient pas l'air d'avoir de mauvais souvenirs de cette époque.
On avait d'assez bons contacts avec les Allemands de l'Est. A l'hotel Stadt Frankfurt, qui faisait aussi resto, il y avait une serveuse qui sortait avec un de mes collègues. Elle était instruite et avait du faire des études. Il faut dire que le Stadt Frankfurt était un hôtel international et les serveuses n'étaient pas n'importe qui. Elle était très heureuse ici et n'avait aucune idée de partir nous disait elle. Il faut aussi préciser que de nombreuses serveuses dans ces grands hôtels d'état étaient des indics de la Stasi ( Staatssicherheit Polisei). La police de sûreté de l'état, entre autre, était chargé de surveiller les travailleurs venant des pays de l'Ouest.
Ca, pour être surveillé, on était surveillé. Mais c'était relativement discret.
Je ne l'ai vraiment senti qu'une fois.
Au mois d'Aout 1984, j'avais une amie avec qui je m'entendais très bien. Nous sortions nous promener le dimanche à Dresde, Leipzig,…
J'allais la voir chez elle à Eisenhuttenstadt déguisé en Allemand de l'Est avec ma 175 MZ et mon casque local. Je pensais que je passais incognito. Cependant, pour un indic de la Stasi j'étais à peu prêt aussi discret que le père François (Hollande) en scooter débarquant j'ai Julie pour une petite "gaterie".
Au bout de quelques semaines, pour une raison indéterminée, elle refusa de me parler et même de me voir. Elle avait un bon poste à l'aciérie et je pense qu'elle avait reçu des consignes. C'est la seule fois où j'ai soupçonné le fait que nous étions surveillés.
Une fois rentré en France, certains de mes collègues se sont fait interrogés par les services français. Personnellement, ça ne m'est jamais arrivé.
A la fin de mon séjour, je n'ai rencontré qu'une fois, à Berlin, un jeune type qui m'a avoué qu'il n'avait qu'une idée, celle de passer à l'Ouest. Ca m'a étonné car généralement, les gens ne se livrait pas aussi directement, même à un étranger.
Il est vrai, que si les citoyens de l'Ouest ne pouvaient pas visiter facilement les pays de l'Est, il était très difficile pour un citoyen du bloc de l'Est d'avoir une permission de sortie pour aller à l'Ouest. Par contre, ils pouvaient se déplacer sans trop de difficultés dans la plupart des pays communistes…mais ça ne les intéressait pas vraiment.
Il y avait aussi des magouilles. Comme expliqué plus haut, mon collègue Diego faisait le banquier pour l'équipe et quand nos Marks Est ne suffisaient pas, on pouvait changer des Deutschemarks à 5 contre 1 au marché noir.
Une autre fois, je me suis fait arrêter pour excès de vitesse sur l'autoroute en allant à Berlin. Le policier a bien voulu négocier directement sur le bord de la route. Je lui ai donné 100 Marks Est.
Certains de mes collègues qui revenaient de France rentraient avec des revues scientifiques comme Playboy, Penthouse,ect,…Ce type de revue était interdite derrière le rideau de fer. Ils les revendaient à un des employés de l'usine qui en faisaient commerce.
Je trouvais ça assez petit. C'était du commerce équitable avant l'heure.
La Pologne n'était pas loin et je fus rapidement tenté d'aller faire un tour chez Solidarnosk.
En fait, c'était la grande époque du syndicat et du très populaire Lech Walesa.
Je fis ma première sortie vers la Pologne avec mon ami Michel H. Comme nous n'avions pas beaucoup de temps, nous n'allâmes que jusqu'à Wrosclaw. Cette ville de Basse Silésie s'appelait à l'époque Breslau. Jusqu'à 1945, la basse Silésie était Allemande. A la fin de la guerre, elle fut redonnée à la Pologne et les Allemands en furent chassés.
Les paysages y sont monotones et ne sont d'aucun intérêt. Même Wroclaw n'est pas une ville intéressante. Je n'ai pris aucune photo mais j'avais acheté des cartes postales. C'est une précaution que je prenais en prévision de problèmes sur mes films argentiques.
Je fis ma seconde sortie avec mon ami Christophe D.
Nous sommes partis jusqu'à Cracovie (Krakow).
Cracovie était plus agréable et plus belle que Wroclaw. Il y avait de nombreux monuments à voir. Après avoir visité la ville, nous sommes sortis le soir et comme en Allemagne, les établissements pour prendre du bon temps ne manquait pas. Il y avait même des spectacles façon "Crazy horse" et les Polonaises à l'époque n'étaient pas ce qu'il y avait de plus rébarbatif.
Les Polonais étaient très accueillants et nous rencontrâmes un commissaire du police qui nous invita à boire de la Vodka avec ses amis. Nous passâmes une partie de la nuit ensemble.
Sur le départ avec mon pote Christophe. La 404 est prête pour le voyage. Au fond, les installations industrielles de l'usine
Le retour vers l'Allemagne se fit en passant par Auschwitz et les mines de sel de Wieliczca
Les mineurs ont sculté des statues et autres objets dans le sel. Lorsque nous les avons visitées, elles étaient encore en exploitation
Le troisième voyage en Pologne, je le fis à Pâques 1984 avec mon collègue Pierre S.
Ce fus le plus intéressant car Pierre avait été en stage de fin d'étude à l'université de Gdansk et connaissais très bien un professeur de l'université.
Sur la route, je crois que c'était à Wroclaw, nous nous sommes arrêté sur une petite place pour changer des Deutsche Marks au marché noir.
Quelques instants après notre venue, un jeune type s'approcha de la voiture et nous proposa :
"Change money".
Avec Pierre, nous nous sommes mis d'accord pour changer une cinquantaine de DM.
Le type nous expliqua que je devais venir avec lui pour faire l'échange assez discrètement pendant que mon ami resterait dans la voiture. Au bout de quelques minutes, nous entrâmes dans un couloir assez sombre, à l'abri des regards puis il fit monter la pression :
"Dépêchons nous à cause de la police" me pressa-t-il
Il me sortit une liasse de Zlotys assez importantes pour la somme assez faible que nous avions à changer. Il me la donna puis me prit mon billet. Je comptais les Zlotys mais quelque chose me parut bizarre. Il y avait de nombreuses petites coupures sur le dessus de la liasse et 3 grosses coupures qui représentaient environ 40 DM au-dessous de la liasse.
Je comptais, le compte y était. A ce moment, il me rendit les 50DM et me reprit la liasse des mains.
"Dépêchons nous à cause de la police" : me dit il de nouveau l'air anxieux.
Puis il me rendit les Zlotys, me reprit le billet de 50 DM et partit rapidement. Je retournais à la voiture et expliqua à Pierre qu'il faut être vigilant car on tombe parfois sur des escrocs et par je ne sais quel tour de passe-passe, il arrive à te rouler.
Je recomptais l'argent devant Pierre, et là surprise!, il me manquait environ 40DM, à savoir les 3 grosses coupures du dessous. Lorsqu'il m'avait repris la liasse, il avait récupéré les billets.
J'avais compris leur tour de passe-passe.

Billets de 5000 Zlotys et de 50 Zlotys
En arrivant à Gdansk, nous fûmes très bien accueilli par son ami professeur et toute sa famille. En compagnie de son fils, il nous fit visiter Gdansk qui était, déjà à l'époque une très belle ville.
En particulier, nous nous rendîmes au chantiers navales d'où était parti le mouvement du syndicat Solidarnosc. Pierre ramassa par terre un petit tract de 5cm sur 2. C'était justement un tract du syndicat qui invitait à se rendre à une réunion quelconque. Il le mit dans son portefeuille et n'y pensa plus; ce fut une grossière erreur.
Nous visitâmes Gdansk puis notre ami professeur nous amena passer un après midi dans une petite maison de campagne qu'il possédait dans les environs.
Après avoir passé quelques jours en compagnie de nos hôtes, nous primes le chemin du retour.
Au cours du trajet, nous nous arrêtâmes chez un de ses amis étudiant qui se prénommait Bogdan. Une fois de plus, nous fûmes reçu à bras ouverts.
J'ai un très bon souvenir des Polonais, contrairement aux Tchèques qui sont assez désagréables.
Sur le chemin du retour, le passage de la frontière fut beaucoup plus désagréable. Côté Polonais, je ne sais pas ce qu'il a pris au policier, mais il commença par nous demander de vider nos poches. Puis il regarda dans nos porte feuilles. Contrairement à Pierre, je n'avais pas grand chose d'intéressant. Lui, par contre les intéressa beaucoup plus. Ils trouvèrent un billet de 100 DM non déclaré. En effet, il fallait déclarer toutes nos devises avant d'entrer dans le pays. Mais cela n'eu pas l'air de beaucoup gêner le policier.
Par contre, il trouva le petit tract que Pierre avait ramassé à Dgansk. Nous eûmes droit à un interrogatoire en règle et à la fouille de la voiture. Au bout d'une heure, n'ayant rien trouvé d'autre, ils nous laissèrent repartir. Ils avaient du avertir leur copains d'en face car avant d'entrer en DDR, nous fûmes encore fouillés pendant une heure.
Ce fut le dernier voyage que je fis durant ce premier séjour en DDR. C'était en Avril 1984 et je devais y retourner en Juin de la même année.
La maison de campagne et la 404 du père Buchet qui devait me lacher en Allemagne de l'Ouest le jour de mon retour