Métallurgie Traditionnelle au Mali
Cet article fait suite à celui sur la métallurgie traditionnelle au Niger.
Le site très étendu se situe aux environs de Bamako non loin du fleuve Niger.
Ci-dessous, 3 images d'époque tirées d'un film tourné au Togo dans les années 1910

Chargement du fourneau

Une fois l'opération de transformation de la latérite terminée, le bas du fourneau est cassé pour récupérer le métal.

La masse de fer appelée 'loupe' est retirée du bas du four
Dernièrement je n’ai pas pris avec moi mon fidèle Canon. Les photos animalières ne me sont donc pas possibles. Il me reste seulement mon petit Kodak.
Il me fallait donc un ‘prétexte’ autre que la photo animalière pour partir me promener en brousse.
L’autre jour, lorsque j’étais à la recherche des singes, j’ai remarqué d’étranges cailloux sur le sol qui ressemblaient fort à des scories provenant de la fabrication du fer.
C’est incroyable ce que la brousse recèle de choses passionnantes lorsque l’on prend le temps d’observer autour de soit. C’est une mine de connaissances et d’émerveillements sans limite.
Suite à une étude plus approfondie, j’ai remarqué qu’à certains endroits, ce types de résidus occupaient une surface importante. Puis, comme nous sommes à la saison des pluies et que la végétation est abondante, j’ai vu des portions de sol dépourvues de toute végétation sur lesquels subsistaient, parfois, des restes de construction en terre.
Sur ces endroits étaient bâtis des bas-fourneaux, installations servant à la fabrication traditionnelle du fer.
Conclusion que je me suis fait confirmer par mon ami archéologue à qui j’ai envoyé un émail accompagné de différentes photos.
En cherchant encore davantage et malgré la végétation, j’ai trouvé des restes de poterie.
Ces vestiges s’étendent sur des centaines d’hectares.
Revenu à la maison, j’ai essayé de trouver des informations sur la métallurgie traditionnelle dans cette région. A part une photo datant du début du siècle et montrant la forme de ces bas fourneaux, je n’ai rien déniché de significatif concernant cette activité.

D’après les quelques indications concernant d’autres sites, ce type de transformation du fer en Afrique daterait, selon certaines estimations, de 2000 ans avant Jésus Christ (Site d’Oboui en Afrique centrale). Il aurait été en activité jusqu’à la première moitié du 20ème siècle. Ensuite, la fabrication par ce moyen a été abandonnée au profit du fer venant d’Europe.
Ce qui dément une fois de plus, les allégations de Mister Rolexman, le président Pieds Nickelés, amoureux de George Deubbelyou Bouche, qui insinua lors d’un discours à Dakar que l’Afrique n’a pas d’histoire. Enfin, il y avait plusieurs d’interprétations possible du discours de notre bouffon national, dont la culture Disneylandesque et beaufisante est incontestable.
L’Afrique, elle en a une, d’histoire; et même très riche, le problème est que très peu d’historiens, d’archéologues ou de chercheurs ne s’y sont intéressés et s’y intéressent actuellement. Les ouvrages archéologiques sur l’Afrique ont été majoritairement écrits entre le début de XX ème siècle et les années 70 par des Occidentaux. Depuis quelques courageux Africains et particulièrement Burkinabés ont essayé de reprendre le flambeau. Qu’ils reçoivent mes plus profonds respects.
Je ne sais même pas si à Bamako, dix personnes savent qu’ils ont un site archéologique dans les environs. D’ailleurs que représente l’histoire d’un continent et d’un peuple comparée aux aventures cloportesques de Roberto Tarlouzof et de Conchita de Tu Hermana ?
Les télénovelas et le lessivage intellectuel provoqué par l’usage à doses massives des réseaux sociaux, puissantes machines d’acculturation, ont tué le rêve et la soif de savoir et d’aventure ...C’est dommage.
Pour en revenir à nos fourneaux, voici ci-dessous quelques explications techniques.
La matière première est la latérite dont j’ai trouvé la définition suivante:
La latérite provient de l'altération superficielle des roches silicatées ou carbonatées sous l'action des agents atmosphériques, en climat chaud et humide : c'est le phénomène de latéritisation ou ferrallitisation.
Les sols latéritiques se forment dans les régions tropicales et subtropicales où le climat est humide. Ils peuvent contenir des minéraux argileux; mais ils ont tendance à être pauvres en silice, car la silice est lessivée par les eaux qui traversent le sol. La latérite typique est poreuse et argileuse. Elle contient de l’oxyhydroxyde de fer FeO (OH) et de l'hématite formée en majorité d’oxyde de fer Fe2O3. Elle contient également des oxydes de titane et des oxydes hydratés d'aluminium. Le représentant riche en aluminium de la latérite est la bauxite. La bauxite est le minerais qui sert à fabriquer l’aluminium. Elle est en abondance en Guinée.
Les grandes quantités de scories (10 000 à 60 000 tonnes) retrouvées au Togo, au Burkina Faso et au Mali témoignent de l'importante expansion de la production de fer en Afrique de l'Ouest après l'an mil, associée à celle des fourneaux à tirage naturel.
Les travaux en relation avec le fer sont souvent réalisés à l'écart de la communauté. Les métallurgistes deviennent experts en rituels destinés à favoriser la production et à écarter les mauvais esprits ; il s’agit de chants et de prières, d'usage de drogues et même de sacrifices. À leur mort ils sont habituellement déposés dans le fourneau lui-même ou enterrés à sa base. On trouve des exemples de ces pratiques dès l'âge du fer ancien en Tanzanie et au Rwanda.
Je vous laisse imaginer la quantité phénoménale de mannes d’ancêtres et de djinns en tout genre qui peuvent hanter ces mystérieux paysages. J'étais persuadé que dans un endroit aussi mystique j'allais trouver quelques Gri-gris où fétiches. Mes premières sorties se sont soldées par un échec sur ce point. Puis, en persévérant, j'ai réussi à trouver ce que je pense être des sacrifice rituels. Sur plusieurs restes de construction, j'ai trouvé des os. Généralement ce sont les poulets qui font les frais de ces pratiques occultes. Mais comme sur un des sites j'ai trouvé une mâchoires avec des molaires, j'en ai déduit que, sauf mutation de dernière minute, il ne s'agissait pas de poulet. Ce qui m'aurait étonné c'est de ne rien trouver car dès qu'on soupçonne un ou plusieurs génies d'habiter le secteur, forcément, on va aller lui demander un petit coup de pouce pour des raisons pécuniaires ou pour re-gagner la cœur de celui ou de celle qui a fui le domicile conjugal...C'est de bon ton.
Vestiges avec, au dessus, les os d'un petit animal. L'ombre n'est pas celle d'un djinn mais la mienne. D'ailleurs, il est trop tôt pour les djinns, ceux-ci ne sortant qu'à la nuit tombée.
Au début j'ai pensé que le fait qu'il y ait des os à cet endroit était une coincidence. Puis ayant trouvé d'autres endroits avec les mêmes disposition, j'ai compris que cela avait été fait intentionnellement.
Quelques cultures associent des symboles sexuels au travail du fer. La fusion du fer est associée à la fertilité et à la reproduction, la production de la loupe de fer est comparée à la conception et à la naissance. Il existe beaucoup de tabous relatifs au processus de production, lequel est réalisé par les hommes à l'écart du village afin d'éviter que les femmes touchent les matériaux ou mettent en péril, par leur seule présence, le succès de l’opération. Les fours sont parfois ornés de manière à ressembler à une femme, mère de la floraison.
(C’est pas bien, mais à l’époque France Télévision n’était pas encore diffusée dans la région et Anne Sophie Lapix pas encore embauchée. La population ne pouvait donc pas être au courant de la parité homme-femme...Pardon Patronne!)
Le processus de transformation est assez complexe et la principale difficulté résulte dans le fait que l’oxygène est nécessaire pour atteindre des températures supérieures à 1000 °C. Cet oxygène a tendance à oxyder le fer alors que l’on cherche à le réduire avec du carbone C (C’est à dire à éliminer la composante oxygène (O3) du Fe2O3 en le transformant en oxyde de carbone CO ou CO2).
Je me demande comment les hommes de cette époque n’ayant pas les connaissances scientifiques actuelles à leur disposition ont pu élaborer un traitement aussi complexe. Seul le fruit de l’observation et de la réflexion ont pu rendre cette fabrication possible.
Je ne peux m’empêcher d’être admiratif.
Motivé par mes dernières modestes découvertes, je suis reparti dans un secteur différent situé à quelques kilomètres à vol d’oiseau du précédent. J’y suis resté 4H à fouiller par terre malgré la végétation. J’ai remarqué des multitudes de vestiges de bas fourneaux. Il ne reste bien évidemment que les bases en scories. Il y en a des dizaines. Puis, en se rapprochant de la falaise, ils disparaissent progressivement.
Au premier plan, on voit des résidus et en arrière plan des blocs de rochers non latéritiques disposés d'une certaine manière.
J’ai aussi remarqué un cours d’eau saisonnier et presque à sec bien que la saison pluvieuse ne soit pas encore terminée. Mais ce cours d’eau étaient sûrement permanent et assez puissant à une certaine époque car on remarque des ‘baignoires’ dans le sol rocheux. Les baignoires sont provoquées par des cailloux qui tourbillonnent sur la roche à cause du courant et qui finissent par user tellement la roche qu’ils forment des trous. Je suppose que les forgerons de l’époque avaient besoin de beaucoup d’eau pour faire leur travail. Il est donc normal que nous retrouvons de nombreux vestiges métallurgiques à côté d’un cours d’eau.
Le secteur devait être plus riche en bois que maintenant car le composant qui permettait de réduire le minerais était le carbone qui provient évidemment du charbon de bois. Le bois était aussi la source d’énergie pour atteindre la température de transformation du minerais.
A proximité, il y a aussi des abris dans la roche qui permettaient aux travailleurs de se reposer. Ces abris sont actuellement utilisés par les bergers qui amènent leur troupeau à la saison des pluies. Outre des restes de foyers, on remarque des rochers servant de sièges et usés par des centaines d’années de frottements des fonds de culottes et des pagnes de toutes les époques.
J’y ai trouvé une bouteille de Fanta en plastique, qui semblerait il, ne date pas de plusieurs milliers d’années. J’en profiterai pour remercier Mr Coca-Cola d’avoir réussi à exporter ses ordures jusque dans les endroits les plus cachés. On n’arrête pas le progrès!
J’ai aussi trouvé un morceau de scorie pratiquement totalement transformée en fer.
Le soleil commençait à baisser à l’horizon et après avoir observé à la jumelle une prestation acrobatique de mes petits amis les singes qui descendaient à toute vitesse la falaise environnante je pris le chemin du retour. En admirant la souplesse de ces animaux, je me suis demandé si la théorie de l’évolution de Darwin n’était pas en train de se transformer en théorie de la régression, car même à leur âge, je n’aurais pas été capable de faire de telles acrobaties. Théorie de la régression qui m’avait déjà effleurée l’esprit en parcourant le net.
Puis sur le chemin du retour, ce qui me semblait être une termitière m’a intrigué. Bien que cette construction soit située au bord du chemin et que je sois passé plusieurs fois devant, je ne m’y étais jamais intéressé. Pourtant, les termitières de cette forme sont assez rares dans cette région. Celles qui s’y trouvent ressemblent généralement à des champignons ne dépassant pas 50 cm.
En m’approchant, j’ai remarqué que l’édifice était percé par des trous ronds qui pouvaient être des tuyères amenant l’air et donc l’oxygène à l’intérieur du four. Ces trous visiblement communiquaient avec l’intérieur.
En contournant ce qui ressemblait de plus en plus à un bas fourneau, j’ai pu voir l’intérieur car les parois étaient cassées. De plus, elles n’étaient pas formées de multitudes de petits tunnels creusés par les termites. J’étais devant une construction métallurgique et non devant une termitière. Je n’ai pas farfouillé à l’intérieur car dans la brousse, n’importe quel abri peut contenir un habitant qui, ne partageant pas forcément les mêmes passions que moi, peut ne pas apprécier d’être dérangé dans sa quiétude vespérale.
Autour de ce dernier fourneau, se trouvait une pierre de forme très particulière que je suppose être un marteau servant à casser les morceaux de latérite.
Ci-dessous, cailloux qui illustrant 2 étapes de la transformation
Sur celui-ci, le fer n'a pas commencer à s'agglutiner. On remarque seulement quelques traces.

Par contre sur celui-ci, on distingue nettement le fer. Ce morceau n'a pas été trouvé près des scories et des fourneaux mais sur une dalle de pierre un peu en retrait. Il est possible que les loupes aient été transportées sur des places qui servaient d'ateliers pour y subir un traitement final. Enfin, ce ne sont que des conclusions de Béotiens car je n'ai aucune prétention d'un quelconque savoir dans ce domaine

C’est tout pour le moment mais je suis persuadé qu’il reste encore beaucoup de choses passionnantes à découvrir. Surtout lorsque la végétation va commencer à disparaître.
(A suivre)