Le Financier et le forgeron
Il y avait déjà quelques temps que ça me tournait dans la tête. Alors, ce matin je suis passé à l’acte. C’est décidé, je vais écrire un petit conte pour les enfants.
Avertissement : Mon petit ami, c’est un conte du temps jadis. Il ne sera donc pas question d’Avenger, du méchant Mugul le Roi des crânes et de la Reine de la planète de la Mort Noire mais de Nains, de Farfadets et de Génies.

Le Financier et le forgeron.
Il était une fois, dans un petit pays du Continent des Ténèbres, une industrie de récolte de salsepareille. Tous les enfants le savent, la salsepareille est une fleur très appréciée par les Schtroumpfs. Cette industrie était, de ce fait, exploitée par nos petits amis bleus.
Le pays était à l’origine peuplé par des Nains. Ils étaient joyeux et passaient leur temps à déguster, entre amis, le jus de mil qu’ils appelaient ‘yapalo’ et dont ils étaient friands.
Malheureusement ils furent attaqués, dans les territoires du nord, par les méchants Gnomes. Les Gnomes priaient le même Dieu improbable que les Nains mais ils le faisaient avec le majeur de la main droite orienté vers le haut alors que les nains faisait la prière avec le pouce de la main gauche orienté vers le bas. Les Gnomes décidèrent un jour que tous les autres habitants du secteur devaient prier avec le majeur orienté vers le haut. Ils attaquèrent sournoisement les Nains. Ils les embêtaient tellement que les petits habitants du nord durent s’enfuir vers le sud en abandonnant leur biens et surtout leurs verres de yapalo.
A la capitale, Nainville, le grand chef des nains appelé le Nainissime ne savait plus quoi faire.
Il appela à l’aide le grand féticheur Tiékoroba Karamoko qui se déplaça des provinces de l’Ouest avec ses 12 épouses et ses 42 enfants.
Celui-ci lui conseilla d’appeler au secours les mânes des ancêtres, ceux-là mêmes qui chassèrent, il y a environ 60 ans, les envahisseurs couleur de fromage blanc.
Tiékoroba ne vit qu’une seule solution : Le sacrifice. Heureusement, si auparavant on pratiquait les sacrifices humains, depuis plusieurs années sous la pression internationale, on s’orientait de plus en plus vers le sacrifice de poulets. Cependant, les djinns maléfiques des Gnomes étant les plus puissants, les poulets ne suffirent plus. Les Nains durent sacrifier des chèvres, des moutons et même un boeuf. Malheureusement, les résultats se faisaient attendre et les Gnomes terrorisaient toujours les pauvres habitants qui continuaient à fuir leur foyer. En désespoir de cause et voyant que la situation tournait au génocide animalier, le Nainissime fit appel à Blanche Neige qui arriva avec son balais, sa pelle et son rouleau à pâtisserie. Mais là encore, les résultats tardaient à venir. La situation était mauvaise, d’autant plus que Blanche Neige était de plus en plus accusée d’impérialisme et de néo-colonialisme. (L’impérialisme c’est quand de méchantes personnes viennent pour prendre par la force le yapalo de gens qui ne demande qu’à vivre heureux dans leur foyer.)
Peu concerné par ce qui se passait autour d’eux, les Schtroumpfs continuaient à extraire la salsepareille. Comme le prix au kilogramme avait bien augmenté ces derniers temps, les Schroumpfs se dirent qu’il fallait en extraire d’avantage. Ils planifièrent donc l’achat d’une nouvelle machine plus puissante. Les Schroumpfs bleus clairs se réunirent pour en discuter. (Pour la compréhension du lecteur, il existe deux types de Schtroumpfs : Les bleus clairs qui prennent les décisions et les bleus foncés qui travaillent dans les trous pour extraire la salsepareille.)
Le Grand Schtroumpf bleu clair prit la parole:
«Mes chers petits Schtroumpfs, j’ai décidé d’acheter une nouvelle machine encore plus puissante pour multiplier par 2 notre rendement».
«Ouais, super , ça va booster!» : s’écrièrent en cœur les Schtroumpfs.
«Nous allons faire une consultation afin de connaître le moins disant.»: ajouta le Grand Schtroumpf.
«Boouuuh!, c’est pas bon» : s’écria l’assemblée.
«J’ai dit une consultation et non un appel d’offre, on pourra, après la consultation, passer le marché gré à gré.»: continua le Grand Schtroumpf
«Ouais..Bravissimo...On va manger!, on va manger!, on va bien manger....»: scandèrent les participants en jetant leur bonnet en l’air au comble du bonheur.
Là j’ouvre une parenthèse pédagogique:
(Une consultation c’est lorsque l’on demande à différents fournisseurs et d’une façon informelle le prix de la machine que l’on veut acquérir.
Un appel d’offre c’est lorsque l’on fait la même chose mais avec la ferme intention d’acheter à celui dont l’offre est la meilleure.
Le gré à gré c’est quand tu as un bon copain à qui tu veux faire plaisir....Et vice versa.)
Fort de son succès politique, le Grand Schtroumpf alla rendre visite à son vieux copain Gargamel.
Il lui expliqua ce que devait faire la machine puis ils se mirent d’accord sur le prix et autres modalités, en particulier celles concernant l'endroit des greniers où entasser la salsepareille.
Gargamel s’enferma dans son atelier, sua sang et eau car il n’avait jamais fabriqué un tel engin et finalement livra la commande avec 8 mois de retard.
La mise en route posa aussi de nombreux problèmes mais finalement, après avoir fait venir moults ‘spécialistes ésotériques’, invoqué le génie Castor et fait venir le chat Azraël, l’installation démarra et fonctionna plus ou moins bien....Enfin plutôt moins que plus!
Comme la machine ne donnait pas les résultats escomptés, le Grand Schtroumpf demanda à ses adjoints de trouver une solution. Ceux-ci firent alors appel à un forgeron des environs qu’ils connaissaient bien. Celui-ci, apprenant que c’était Gargamel qui avait vendu la machine refusa longtemps d’intervenir. Puis, comme par magie, l’industrie fut revendue à d’autres Schtroumpfs. Ceux-ci étaient un peu différents car ils étaient vert clairs. Il y avait mêmes des Schtroumpfettes.
Tous les Schtroumpfs bleus clairs furent licenciés. Par un heureux hasard, certains retrouvèrent rapidement du travail chez Gargamel.
Le forgeron fut alors recontacté et cette fois ci, il accepta car les anciens schtroumpfs bleus clairs dont il se méfiait n’étaient plus là. Il ne restait que Gargamel affaiblit, mais toujours dangereux.
Le forgeron resta 3 jours au chevet de l’engin puis rentra chez lui pour réfléchir.
Quelques temps plus tard, il fut convoqué par les nouveaux propriétaires et fut sommé de dire devant le Financier ce qu’il avait remarqué.
Le Financier fut surpris d’apprendre que Gargamel avait bricolé la machine avec des pièces d’occasion de 13 ans d’âge qu’il avait acheté aux petits hommes jaunes du pays du Matin Calme. Vu la façon dont elle avait été démarrée, elle ne pourrait jamais fonctionner correctement dans cet état.
Il demanda alors au forgeron s’il pouvait faire quelque chose pour améliorer le fonctionnement. Celui-ci répondit qu’il était possible de réparer un peu la misère mais que le fait que la machine soit sous garantie, une intervention était fortement déconseillé. En effet, il était plus que probable que si une personne étrangère à l’équipe de Gargamel intervenait, celui-ci supprimerait la garantie. Etant donné l’état de la machine, une avarie majeure pouvait se produire d’un moment à l’autre, et sans garantie, la situation deviendrait vite extrêmement problématique.
Le Financier était très embêté car d’un côté, le fait que la machine fonctionne mal lui faisait perdre de la salsepareille et d’un autre côté, une intervention était rendu difficile de par la situation.
Lorsque le Financier annonça au forgeron que la machine avait été achetée dix tombereaux de salsepareille, le forgeron se mis à tousser fortement jusqu’à ce que des larmes lui viennent aux yeux.
«Pourquoi tousses tu, forgeron. C’est parce que c’est cher ou parce que c’est pas cher ?» : s’inquiéta le Financier
Lorsque le forgeron fut remis de ses émotions, il expliqua :
«Voyez vous, mon Bel Ami, une machine neuve de cette catégorie vaut entre six et sept tombereaux et demi. Elle a été achetée dix tombereaux et elle est fabriqué avec des pièces d’occasion. Je ne suis pas spécialiste des prix, mais je l’estime au maximum à cinq tombereaux de bonnes salsepareilles bien dodues. Où sont donc passés les cinq autres tombereaux ? Peut être chez les petits lutins transalpins ou chez la Fée Clochette tout là-bas aux Antilles ? Mais ce qui m’étonne le plus, c’est que la G.S.G qui est l’organisme censé vérifié le juste prix des marchandises entrant dans le pays n’ait rien vu. C’est vrai que la G.S.G est une société privée appartenant aux petits lutins transalpins et qu’entre petits lutins, on s’aide, c’est normal. Je n’ose prononcer le mot maudit de 'mangement compulsif’».
(Note de l’auteur :Le 'mangement compulsif' c’est quand Maurice demande un service pas clair à Robert et que pour récompenser Robert, Maurice lui donne un peu de salsepareille. Dans certains pays, le 'mangement compulsif' qui au départ est un acte social répréhensible est devenu génétique. Et comme toute maladie génétique dominante, elle est très difficile à soigner. Elle est tellement répandue que l’on peut parler de l’évolution Darwinienne d’une espèce.)
«C’est du passé, n’en parlons plus.»: annonça tristement le Financier à la manière d’Edith Piaf.
«Mais j’ai une petite suggestion.
Toi, le forgeron, fais moi une proposition de prix pour le rachat de la machine neuve mais aussi de l’ancienne et ensuite tu me les loueras.»
Le forgeron fut pris d’un fou rire et toussa encore plus fort que la première fois.
«Mais, Monsieur le Financier, la vieille ne vaut pas grand chose dans la mesure où l’ancien propriétaire n’a jamais fait les révisions!»
Sur ces paroles, le Financier et le forgeron se quittèrent. Le Financier était dubitatif et un peu triste, le forgeron, lui, riait en son for intérieur en se disant que les pauvres petits Nains ne sont pas sortis de l’auberge.
Voilà, mon petit lapin, j’espère que tu as aimé ce conte. Il y en a encore beaucoup à raconter sur le Continent des Ténèbres. Lorsque j’en aurais le temps et l’humeur je t’en raconterai d’autres.
Inch'Allah