Pas 2 Quartiers

Rond point avec cruche
Vous connaissez France télévision. C’est la société nationale qui gère les activités de la télévision en France.
Pour l’audiovisuel extérieur de la France, la chaîne télévisée d’information s’appelle France 24. Certaines mauvaises langues parlent d’organe de propagande. Mais c’est une erreur monumentale. Elle a pour vocation de diffuser la pensée lumineuse de la France au quatre coins du monde et de participer ainsi au développement intellectuel de l’humanité toute entière. C’est un phare culturel dans un océan d’obscurantisme.
La majorité des présentateurs sont des présentatrices. Ces jeunes femmes BCBG, clones d’Anne Sophie Lapix, au demeurant très sympathiques et d’un physique avenant, expliquent au reste de l’humanité rétrograde les bienfaits de la PMA, du mariage pour tous, de l’égalité homme-femme, surtout celle des femmes et autres progrès sociaux telle la GPA qui permettent à la France de se tenir dans le peloton de tête des civilisations moralement les plus avancées.
Ces petites fées de l’information apprécient particulièrement la PMA (Procréation Médicalement Assistée) qui permet à toute femme qui se respecte de remplacer le mâle de l’espèce humaine, qui est fainéant, grossier, gueulard et infidèle (Bon encore que là...), par une seringue bien moins encombrante. L’avantage de la seringue est qu’elle ne laisse pas traîner ses chaussettes dans le salon après une soirée bien arrosée entre copains en regardant le dernier match de football. De plus, la femme du XXI ème siècle pourra choisir la race, la couleur des yeux,...de son futur bambin.
Ce sera le paradis sur terre, surtout lorsque les géants de la vente par correspondance vendrons le kit PMA «fuck it yourself». Finies les longues, ennuyeuses et coûteuses séances chez le praticien, une soirée entre copines et hop! l’affaire sera dans le sac...enfin, façon de dire.
Il ne manquera plus qu’une garantie contre les loupés et autres crétins, estropiés, siamois, maladifs, bref, contre les moitiés pas finis. Pire, imaginez une seconde le désarrois des 2 mamans ou des 2 papas lorsqu’au lieu du joli bambin blond dont ils rêvaient, c’est un petit brun, bronzé, poilu, moustachu, frisé qui va sortir. Tout ça parce qu’à la banque du sperme, un employé surmené s’est trompé entre la burette 270A (A comme Aryen) et la burette 270B (B comme Bougnoul).
Il ne restera plus qu’à renvoyer l’erreur à Calcutta, là-bas au pays d’Haré Krishna, chez sa mère porteuse. Ca va faire des frais! Forcément!
Je suis quand même surpris que cette idée de génie n’ait pas vu le jour auparavant.
Il y a une cinquantaine d’années, lorsque j’étais enfant, les paysans faisaient déjà inséminer leur vaches. Cela leur permettaient de choisir, sur photo et par réputation le plus beau reproducteur. C’était très pratique et ça assurait une bonne place au concours du plus beau bestiau lors des comices agricoles car par les voies traditionnelles, le mâle disponible dans les champs alentours n’était peut être pas le plus beau du catalogue et sa descendance ne pouvait être que médiocre.

L'insémination, un geste précis, efficace et en toute sécurité
Il suffisait juste, pour des questions pratiques bien compréhensibles, de changer la taille de la seringue et la qualité et la quantité de liquide à injecter et le tour était joué. Je n’ose imaginer qu’à l’époque notre honneur et notre respect de l’être humain nous empêchaient de franchir le pas. On parle maintenant de bioéthique, mot générique où les notions d’honneur et de respect ont été remplacées par pognon, fric, flouze, profit, argent, oseille, bourse, blé, bricolage génétique,...
Mais une autre pensée me taraude l’esprit. Comment réagira l’adolescent quand Maman Germaine et Maman Paulette expliqueront que pour des questions de convenance personnelle et d’attirance mutuelle, son Papa était une seringue et qu’il a été conçu dans une éprouvette de laboratoire. Pour vous, je ne sais pas, mais moi, je n’aimerais pas, mais alors pas du tout!
J’imagine les conflits de génération, l’adolescent reprochant à ses 2 papas ou à ses 2 mamans : «Pourquoi avoir choisi Michel Simon alors que vous pouviez prendre Alain Delon, surtout pour une différence de 100 Euros...C’est petit, bande de radins! C’est moi qui suis emmerdé maintenant!»

Choix N°1

Choix N°2
"P.... Germaine, j'crois qu'on a fait une boulette avec le choix du tio! "
Mais, je babille, je babille et je m’éloigne du sujet.
En plus de promouvoir le bonheur sur terre, les journalistes de France 24 ont inventé un concept génial. Ils partent dans les quartiers défavorisés pour rencontrer des animateurs et des animatrices qui s’occupent des jeunes en perte de repère.
Ces animateurs (et animatrices), pleins d’idées fantastiques font faire de nombreuses activités utiles aux jeunes défavorisés. Il y a du théâtre, de la danse classique, du rap, de la poésie, des marionnettes, de la peinture artistique, du cinéma,... Enfin bref tout un apprentissage qui leur permettra de trouver du travail rapidement... chez les intermittents du spectacle.
Il y a une activité qui m’a particulièrement plu. C’est la description des différents habitants du quartier par des jeunes qui filment avec leur Smartphone.
Alors, je me suis dis, pourquoi je n’essaierai pas moi aussi de décrire mon quartier par la plume.
Essayons.
Le maquis
L’établissement commercial le plus répandu est le maquis. C’est ce que l’on appelle en français le débit de boisson. Il y en a un tout les 10 mètres. Suivant le standing, on peut y boire du Tchapalo (Bière de mil - Le maquis s’appelle alors un tchapalodrome), de la vrai bière (Flag, Castel, Beaufort,...), des alcools forts...
Quoique concernant les alcools forts, le gouvernement a maintenant interdit les spiritueux vendus en sac plastique à 100 Fcfa (15 cts d’Euros) pour une question de santé publique. En effet, les cas de démence précoce, de cécité, et autres se multipliaient dernièrement, surtout chez les jeunes qui sont souvent désargentés mais qui veulent, malgré tout, connaître les ivresses interdites. Ivresses qui devaient être particulièrement violentes vu la teneur de ces breuvages en éther et en alcool méthylique.
Dans la foulée, les brochettes préparées à l’huile industrielle furent aussi interdites suite à quelques transits intestinaux douloureux et aléatoires.
Certains maquis font aussi dancing. Sur les murs extérieurs, sont peintes, en couleurs criardes des jeunes filles dont la taille des poitrines et des fesses rendraient folles de jalousie les placides ruminantes du Salon Parisien de l’agriculture. On est loin des femmes ‘tuyau’ de nos défilés de mode.
Le matin et l’après midi à partir de 15H les consommateurs s’assoient autour d’une bouteille qui sera la même jusqu’à l’heure tardive du retour au foyer, conjoncture oblige.
On ne s’assoit jamais à l’intérieur. Comme dans tous les pays du monde, les buveurs regardent les passants et font des commentaires sur les jambes ou la croupe de telle ou telle jeune fille bien proportionnée, ricanent lorsqu’un blanc passe et font de grands gestes désordonnés pour saluer un copain buveur qui passe en mobylette mais qui n’a pas le temps de s’arrêter, au grand dam de toute la bande. L’espoir de se voir offrir une bouteille disparaît en même temps que l’engin dans un nuage de poussière .
La vie s’écoule paisiblement. On dirait le Sud comme disait Nino Ferrer.

Autre établissement d’une haute importance : Le boutiquier.
Généralement tenue par un Peulh, la boutique est le second point de ralliement du quartier. On y rencontre généralement des femmes, des jeunes filles et des enfants. On y vend de tout, c’est un inventaire à la Prévert : De la nourriture, des sacs, des calculatrices, des écouteurs, des éponges, des préservatifs, du savon, de la lessive, des poupées, des recharges téléphoniques, des médicaments pour les hémorroïdes... Tout ceci est entreposé dans 5 mètres cubes. Le moindre interstice y est utilisé et le boutiquier, véritable spéléologue de l’épicerie sait se frayer un chemin dans un réseau immense de galeries, de couloirs, de grottes dont les parois sont faites de cartons, de sacs de riz, de bouteilles, de bananes... A chaque fois qu’il part en expédition, j’ai peur qu’une galerie s’écroule, qu’il meurt dans d’atroces souffrances et que son corps ne soit retrouvé que plusieurs années plus tard
Il n’est pas nécessaire d’avoir un caddie pour faire ses courses car généralement les clients se contentent d’un petit sachet d’une dizaine de grammes d’huile, de sel ou de sucre à 25 Fcfa (4 cts d’Euros).
Personnage très sympathique et dévoué, le boutiquier essaye toujours de vous satisfaire et semble sincèrement désolé lorsqu’il n’a pas pu vous vendre ce que vous êtes venus chercher.

L’Imam. Comment parler d’un quartier sans parler de l’Imam?
C’est un notable, tout comme le boutiquier ou le tenancier du maquis.
Comme les curés à l’époque, il joue le rôle de confident, de psychologue, d’animateur tout en diffusant la parole de Dieu qui est unique.
Personnage sympathique, toujours habillé de blanc, il a commencé, il y a une vingtaine d’années, sa carrière comme chanteur de rap. Sa chanson phare dont on a oublié le titre était un pamphlet contre l’excision. Lors d’une fête de quartier, il était arrivé sur scène avec à la main une paire de ciseaux, en gesticulant et en éructant des paroles qui ne sont jamais passer à la postérité. Devant le peu de succès de sa petite entreprise, il décida qu’il consacrerait désormais sa vie au service du Tout Puissant.
N’ayant pas de coin tranquille pour se réunir avec ses meilleurs fidèles, il demanda à François, son voisin blanc, de tenir les séances d’étude du Coran dans sa cour et ceci pour la simple raison que les cours des maisons africaines ne sont pas des espaces vraiment propices au recueillement et à la méditation vu le nombre d’enfants braillards, de parents désœuvrés et de femmes préparant la cuisine qui y déambulent.
Tout aurait été pour le mieux dans le meilleurs des mondes si en plus d’être un homme de paix, l’Imam n’avait pas été un homme d’amour.
Après avoir successivement engrossé 3 bonnes qui travaillaient chez François, celui-ci demanda à l’Imam vigoureux d’appliquer un peu moins à la lettre la parole de Dieu qui nous enseigne de croître et de multiplier et ceci dans le but évident de pouvoir garder une bonne à son service un peu plus d’une année. D’autant plus que les frais d’avortement donnaient lieu à des discussions délicates pour connaître qui de l’employeur ou du besogneux allait assurer les frais. Comme il est normal de se partager le travail et que l’Imam avait déjà fait sa part, c’est François qui payait.
L’avantage c’est que nous sommes à peu prêt certain que notre Imam ne tombera pas dans l’Islam radical. Ce qui en soit est une bonne chose.
Le boucher des chiens.
Là, c’est sur, je vais me mettre à dos les vegans.
Au Burkina, on mange les chiens. Non pas par nécessité mais par gourmandise. Le boucher classique qui opère sur des moutons ou des bovins n’a pas la compétence pour préparer le chien. C’est un travail spécial que seuls quelques individus initiés savent faire.
Lorsque ce petit personnage grisâtre se déplaçait dans le quartier, avant de le voir, on l’entendait arriver. Tous les chiens qui se trouvaient à moins de 50 mètres se mettaient à aboyer.
Il passait parfois devant la maison avec un chien en laisse puis repassait quelques temps après dans l'autre sens avec un rôti et autres pièces de viande dans un sac.
Il avait, disait on, un produit pour attirer les chiens. Sa technique de capture était aussi spéciale et bien cachée.
J’en parle à l’imparfait car un jour funeste, la chance l’abandonna, il fut mordu par un chien enragé et mourut quelques temps plus tard.
Le fou.
De même qu’un échiquier, un quartier se doit d’avoir au moins un fou.
Généralement vêtu de haillons (les aliénés totalement nus disparaissent progressivement du paysage urbain), il promène sa grande carcasse dégingandée à travers le quartier en maugréant des mots dans un langage qu’il est seul à comprendre. Parfois, il s’arrête devant un maquis et tient un discours que personne ne comprend mais que tout le monde écoute religieusement puis repart vers une destination que personne ne connaît, même pas lui.
Parfois, il s’énerve seul et se met à faire de grands gestes en criant pour se défendre contre des agresseurs imaginaires, monstres, génies ou humains, lui seul les voit.
En occident on dirait qu’il est psychopathe, paranoïaque ou schizophrène. Ici on dit qu’il est possédé par un djinn ou par un démon, que la vieille sorcière d’à coté lui a jeté un sort simplement parce qu’elle était jalouse de la réussite de sa famille. D’autres disent qu’il a lu le Coran ou la Bible à l’envers et qu’il est tombé sur des passages interdits. Un cause scientifique n’a pas sa place dans ce monde.
Plus vraisemblablement, il s’agit d’individus ayant un psychisme un peu plus faible que la moyenne et que les turpitudes et tracasseries familiales et traditionnelles ajoutées aux problèmes d’une vie pas toujours facile ont fait sombrer dans la folie. Ceux qui ne sont pas méchants, sont généralement laissé en liberté, les autres...

Mes voisins.
Ils sont tous sympathiques et très respectueux, notre entente est parfaite. Je n’ai jamais connu de querelle de voisinage en 22 ans. Il n’y a qu’une chose qu’ils n’apprécient pas du tout, ce sont les malfaiteurs.
Ce quartier est très ancien, depuis des années, il avait la bonne ou la mauvaise réputation, ça dépend de quel côté on se place, de très mal accueillir les malfrats. Malheureusement, cette réputation avait tendance à disparaître et depuis quelques temps, les vols se faisaient plus fréquents. Puis un jour des voleurs eurent la mauvaise idée de venir tester l’ambiance la nuit.
Les premiers entrèrent dans une cour puis égorgèrent une chèvre qui était pleine pour l’emmener. Malheureusement pour eux, un gardien les entendit. Une course poursuite s’engagea et un des voleurs fut attrapé. Durant 3 heures, les hommes du quartier lui expliquèrent pédagogiquement que voler était très mal. L’explication était à peine terminée qu’un second voleur entreprit de subtiliser du gas-oil dans un camion garé à proximité. Nos pédagogues prirent alors le voleur en chasse et après une corrida sur le toit des maisons, ils lui mirent enfin le grappin dessus.
La leçon fut intense quoique plus courte que la précédente et ne dura qu’une heure. Comme la nuit palissait, les professeurs, fatigués, appelèrent la maréchaussée. Lorsque les forces de l’ordre arrivèrent un des élèves n’arrivait plus à marcher et l’on du appeler les pompiers qui le jetèrent à l’hôpital. Le second pu monter dans le panier à salade mais pris d’un malaise inexplicable il mourut bêtement le matin. La nouvelle fit le tour des voleurs de la ville et le quartier retrouva sa réputation et sa sérénité.
Les habitants peuvent maintenant se promener en toute sécurité à n’importe quelle heure du jour et de la nuit bien qu’il n’y ait pas d’éclairage publique. Les policiers ne viennent jamais dans le coin, sauf lorsqu’on les appelle pour un ramassage.
Aucun jeune en perte de repère ne vous attaquera pour vous dérober votre smartphone, votre moto ou tout simplement votre bien. Les femmes, les enfants, les vieillards ne seront jamais molestés, volés, violentés, violés par des individus victimes d’une société déshumanisée.
Comme quoi, lorsque les pédagogues sont compétents, le message passe facilement.

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