6 Avril 2021

Publié par Julio Von Gepetto

Et si Raymond Mauny n'avait pas tout découvert

Ce qui suit s'appuie essentiellement sur les ouvrages de Mme Dieterlen et Mrs Cissé, Griaule, Mauny et Gallay.

Concernant le lieux où l'on trouve des vestiges, on s'aperçoit qu'ils se situent essentiellement dans des zones montagneuses (Grisées sur la carte). La plupart se rencontrent dans les falaises de Bandiagara en pays Dogon. Quelques uns sont dans les Monts Mandingues autour de Bamako. Il faut aussi remarquer que les recherches entreprises à l'époque le furent, pour la plupart, dans la règion de Bandiagara.

Cependant, il y a de fortes chances que de nombreux vestiges se trouvent dans les Monts Mandingues qui furent peu explorés et qui couvrent une superficie importante. C'est une région assez sauvage où l'on trouve des paysages surprenants et de nombreuses grottes et abris sous roche propices aux peintures et gravures rupestres.

Et si Raymond Mauny n'avait pas tout découvert

Paysages des Monts Mandingues

Pour essayer de comprendre la provenance et éventuellement une datation des signes découverts dans les abris sous roche, j'ai commencé par étudier l'histoire du Mali.

Le Mali a été le berceau de trois grands empires : l'empire du Ghana, l'empire du Mali et l'empire Songhaï. Il est, par la suite, devenu une colonie française de 1895 à 1960. Quelques années après son indépendance, il sera gouverné par Moussa Traoré avant de connaître un régime démocratique (depuis le début des années 1990).

Je me suis intéressé en premier lieu à ce qu'il était pour moi le plus facile, c'est à dire à la cosmogonie Bambara et Malinké qui a dû faire son apparition dans sa forme actuelle au moment de l'Empire du Mali et à la fin de l'empire du Ghana. Cela se situe aux environs de 1200 après Jésus Christ.

D'après certains chercheurs, la cosmogonie Malinké et Bambara pourrait s'inspirer de l'Islam. La religion est monothéïste et on y trouve de nombreuses similitudes avec le Coran.

La pénétration islamique s'est faite lentement dès la fin du VIII ème siècle, mais c'est surtout à partir du XI ème siècle que l'islam a commencé à jouer un rôle dans l'histoire des sociétés et des formations politiques africaines.

L'arrivée de l'Islam dans la région Sud de l'actuel Mali serait donc légèrement antérieure à l'Empire du Mali.

J'ai comparé de nombreux signes Bambara avec les signes trouvés en brousse et je n'ai trouvé aucune similitude. Les seuls signes que je trouve similaire concernent des cercles pierreux de grandes dimensions dont la signification est la suivante, selon Youssouf Cissé :

Ces cercles sont en plein air et non dans les abris sous roches ou les cavernes. Il ont une ou quelques dizaines de mètres de diamètre. On en trouve aussi à Moribabougou dans le lit du fleuve.

Cercle de pierres dans le lit du fleuve à Moribabougou. On distingue la pierre qui marque le centre

Cercles de pierres en brousse.

RÉFLEXIONS BASÉES SUR UN SITE PARTICULIER

Ce site est intéressant dans la mesure où l'on y trouve plusieurs types de graphismes qui semblent être d'époques différentes.

De plus, il semble toujours être en activité, car contrairement à d'autres, on y trouve les signes d'une présence humaine récente.

Vue du site

Vue à partir du site. Au fond, on distingue le fleuve.

Abri sous roche où l'on trouve les signes

Partie des signes qui semblent les plus récents

Dans les signes retrouvés, il n'y a pas non plus de référence au Coran. Seulement un ou deux signes pourraient s'y rattacher. Ils pourraient ressembler au croissant lunaire.

Le site étant encore en activité, il est donc possible que ces signes soient assez récents.

Il y a aussi à cet endroit un cercle tracé avec des pierres sur le sol. Par contre, c'est de toute évidence une mosquée car il comporte une entrée, une pierre maitresse et qu'il est tourné en direction de la Mecque.

Il est donc fort possible que les signes que l'on trouve datent de différentes époques, des plus reculées jusqu'aux plus récentes. Cela expliquerait aussi que certains dessins soient plus apparents que d'autres.

Certains autres signes semblent plus anciens et on tendance à disparaitre.

Vraisemblablement, si aucun signe ne correspond ni aux signes coraniques, ni aux signes Bambara ou Malinké, l'idée m'est venue que ces signes pouvaient être pour la plupart antérieurs au royaume du Mali.

Je me suis donc intéressé au Royaume du Ghana.

L’empire du Ghana est un ancien empire africain qui a existé du IIIe au XIIIe siècle de notre ère dont le centre se trouve dans la zone frontalière actuelle entre le Mali et la Mauritanie. Sa capitale était Koumbi-Saleh. Il est le premier des trois grands empires marquant la période impériale ouest-africaine.

Désigné par ses habitants sous le nom d'empire de Ouagadou (Wagadou), il se fait connaître en Europe et en Arabie comme l'empire du Ghana. Issu du royaume du Ouagadou, l'empire du Ghana s'est développé au VIIIe siècle avec l’exportation d’or et de sel. Il connaît son apogée au Xe siècle, époque à laquelle il s'étend alors sur un territoire à cheval sur la frontière actuelle entre la Mauritanie et le Mali, comprenant, outre le Ouagadou, les provinces du Tekrour (Sénégal actuel), du Sosso, du Mandé (Mali - Guinée) et de Diarra, les régions aurifères du Bouré (Guinée) et du Bambouk (Mali) et Oualata. En 990, Aoudaghost, grande cité berbère, centre névralgique des échanges entre le nord et le sud, est annexée.

L'empire du Ghana décline à partir du XIe siècle, passant successivement sous domination almoravide, puis sous la tutelle de Sosso, et enfin sous celle de l'empire du Mali de Soundiata Keita.

D'après Germaine Dieterlein concernant l’extension vers le sud de l'empire du Ghana :

Les guerres, la sécheresse, les risques de famine et l’épuisement des mines d’or ont contraint les Soninkés de l’empire de Ouagadou, qui peuplaient le Sahel, à émigrer par vagues successives à des époques diverses, vers le sud, sur les rives du Niger et notamment dans la région du Mandé. Lorsque les familles soninkés relevant du clan Kagoro l’ont occupée et y ont apporté leurs cultes, cette région était déjà partiellement occupée par les Traoré.
Une fraction importante de cette dernière famille, émigrant du Ouagadou se serait tout d’abord installée à Somadougou, dans la région de Mopti où elle aurait édifié le premier kamã blõ (Culte).
Ce culte aurait été transporté et diffusé au fur et à mesure de leurs déplacements vers l’est, dans les régions de San puis de Ségou où il existe encore plusieurs kamã blõ, enfin au Mandé où les Traoré implantèrent le premier sanctuaire à Kinièro. Minkongo, considéré comme l’un des plus anciens villages de la région de Bamako, fut fondé par Makan Sikoro Traoré, venu avec les siens de Balanzan. Ce sont les membres de cette agglomération qui ont réalisé les peintures des abris sous roche de Koulouba (A Bamako). Un de leurs ancêtres, Dyola Traoré, était devin. Il exécutait ce travail avec dix-sept cailloux de latérite qu’il jetait sur le sol et dont la position dictait les sacrifices à effectuer. Il reproduisait ensuite les figures ainsi formées en ocre rouge sur les parois des cavernes. Elles s’appelaient saw ou sao, terme que l’on traduit par « lecture rapide »; on disait d’elles aussi dyinɛ seekĩ ani mɔgɔ seekĩ « huit génies et huit personnes », car elles étaient assimilées à seize figures géomantiques.

Cela renforce l'idée d'une expension du royaume du Ghana vers le Sud et que les peintures que l'on trouve à Koulouba (Bamako) dateraient de cette époque. Les signes trouvés dernièrement dans les abris sous roche ne sont pas anthropomorphe comme ceux de Koulouba mais ont y retrouve quelques signes similaires. A savoir la croix à 3 branches et des cercles avec différentes figures à l'intérieur.

De plus, il existe de nombreuses figures formées de points qui pourraient correspondre au figures tracées lors de la lecture rapide effectuée par les descendants de Dyola Traoré.

En Afrique, il est intéressant de noter qu'avant la pénétration de l'islam et du christianisme, il ne semble pas y avoir eu de religions révélées : chaque société développait son propre système d'interprétation du monde en fonction des données qui lui étaient particulières. D'où la très grande variété des religions et des dieux renvoyant à la diversité des sociétés elles-mêmes.

De nombreux symboles sont constitués de cercles avec des figures géométriques à l'intérieur.

On retrouve, assez effacée, la croix à 3 branches.

Dans de petites câches, on trouve des objets récents servant à certains cultes. On peut y voir aussi des plumes de poulets, résultat de sacrifices récents

Restes de serpents : Le serpents est un des animaux le plus représenté dans les différentes religions de ces régions. Il est très utilisé durant les cérémonies mystiques.